AUGUST, BULL’S EYE
Exposition du 28 mai au 17 juillet 2010
L’artiste zurichois August est un produit, celui de l’artiste marketté. Si Takashi Murakami produit des figurines, du papier peint à l’effigie de ses personnages, August ne s’embarrasse pas de ça et utilise directement son identité, sa signature (un cœur mordu) à la fois comme œuvre d’art, signe de son artificialité et comme produit dérivé dans un plus pur esprit pop art. Il est également l’alter ego universel, une sorte de mister Hyde collectionneur de sensations et de codes.
August s’inscrit dans une démarche artistique de récupération de signes autant culturels que commerciaux, il joue avec la mémoire collective. Ainsi la croix chrétienne devient dans les mains d’August un accessoire de mode luxueux. Le branding devient formel tout comme la forme devient une marque.
Les oeuvres d’August sont ancrées dans leur époque: photographies prises au téléphone portable, textes tirés de Facebook, Twitter. Il nous plonge dans la nouvelle production de masse celle de l’information triviale, personnelle et jetable. Une production ininterrompue et immédiatement reproductible à l’infini de contenu dont on ne se sert pas vraiment. En effet, le fait d’avoir un appareil d’enregistrement en permanence avec nous, le mobile, incite à immortaliser des moments somme toute banals, à être à l’affût de l’événement. Mais qu’advient-il de cette surproduction d’images? la plupart du temps pas grand-chose, ces images ne deviennent jamais vraiment palpables et restent numériques, dormant sur le portable, sur un disque dur ou sont échangées sur internet pour terminer dans la mémoire de Google.
Cette surenchère de production sans produit, fascine August qui érige ces moments de non-événement en œuvre d’art et leur donne une certaine forme de physicalité montrant en même temps son obsolescence. En effet August travaille la photographie avec de vieux téléphones portables achetés sur Ebay, produisant ainsi des images à faible résolution, ces images sont ensuite agrandies et le plus souvent imprimées avec un procédé ancien, l’impression nitrate, de sorte que ces images enfin matérialisées portent en elles les traces de leur immatérialité. Le pixel grossier se mêle à l’imprécision de l’impression pour ne générer qu’une image méconnaissable menaçant de disparaître sous le média, mais de laquelle se dégage immanquablement une certaine poésie.
Car August ne cherche pas uniquement à isoler les objets de leur quotidien, mais pour lui, la réception sensorielle de son travail par le spectateur occupe une place très importante. D’ailleurs August cite souvent les parcs d’attractions en référence: imaginez un lieu où dominent les simulacres culturels, train fantôme, tapis volant, où les sens sont mis en éveil par les mouvements constants, les lumières artificielles et les odeurs fortes des diffuseurs, un univers coloré, codifié, temporaire et fragmenté, le spectateur est au centre d’un événement sans aboutissant, d’un culte sans objet, crée de toutes pièces pour l’enivrer sensoriellement et le divertir. Dans la lignée de Mike Kelley, il recherche les ressorts psychologiques qui sous-tendent les systèmes de culture de masse et les rend dans des univers intenses avec des agencements chargés en tensions et émotions que le mouvement du spectateur révèle.
Les 15 minutes de gloire d’Andy Warhol trouvent un écho dans le travail d’August. En effet, dans cette tentative acharnée de matérialiser à tout prix et à anoblir les traces du banal et du quotidien, on retrouve les appels presque désespérés des internautes cherchant à exister avec des « c’est moi ». Au fond autant l’artiste que le blogger se voue un culte de la personnalité, étalant son moi sous une forme codifiée et idéalisée dans l’espoir d’être reconnu.
BIOGRAPHIE
August * 2007 a étudié la scénographie à la Hochschule der Künste de Zürich et l’art au département Media Arts du California College of Arts, San Francisco, où il travaille avec Kota Ezawa ancien élève de Nam June Paik. Après ses études, il travaille sur plusieurs projets de film, dont, entre autres, « Pepperminta » de Pipilotti Rist, il a également conçu et réalisé l’exposition de Michel Comte « Bilder vom Dach der Welt » au Axel Springer Verlag, Berlin.
August vit et travaille à Zürich. Il est actuellement étudiant du European Art Ensemble de l’ECAL, le programme de Master en art visuel de l’école d’art cantonale de Lausanne. Son travail a été exposé en Suisse et aux Etats-Unis.